Le Logis vert, c'est toute
mon enfance. Pour tous les lecteurs qui ne sauraient pas ce qu'est le
"Logis Vert", et ils doivent être au moins 70%, je me dois de donner
une petite explication.
Quand j'étais petite (mais comme je le suis toujours, je devrais dire :
de l'âge de 0 à 9 ans), je vivais un petit village du Nord de la
Seine-et-Marne appelé Saint-Soupplets. A Saint-Soupplets, j'habitais un
petit quartier résidentiel appelé "Le logis Vert". Une sorte de
"Wisteria Lane" en moins chic, pour les fans de "Desperate Housewives".
C'était à qui aurait le rosier grimpant le mieux taillé, à celui qui
lustrerait le mieux sa voiture le dimanche, à celle qui aurait le
jardin le mieux tondu (mais pas de jardinier sexyssime,
malheureusement), ou encore à celui qui habillerait le mieux ses
gamins.
Jusqu'à mes 4 ans, on habitait un petit appartement dans l'immeuble de
quatre étages du Logis vert. Ensuite, on a habité le pavillon juste en
face. (Quelle promotion sociale !)
Le "Logis Vert", quand on a 5 ou 6 ans, on croit que c'est une ville,
plus encore : un pays. On croit aussi que ce n'est qu'un seul mot : le
"LOGIVER". Quelle déception quand on comprend que ce n'est qu'un
minuscule quartier composé de 4 rues, grand maximum, et que par-dessus
le marché, ça se compose de plusieurs mots. D'autant que le logis soit-disant vert n'avait de vert que la haie anarchique de tuyas qui entourait le jardin des Boubou.
Au Logis Vert, tout le monde connaissait tout le monde, et les amitiés
étaient aussi nombreuses et solides que les inimitiés. On se nommait
les uns les autres par les noms de famille ou par des distinctions en
tout genre : "les Meyer, "Claudine et Jacques", "Les Français", "les
Paya", "les Payen", "les Boubou", "les Chinois"...... et tellement
d'autres encore. A propos, quand on a 5 ou 6 ans, on ne fait pas la
différence entre Paya et Payen. Dans sa petite tête d'allumette, on
croit que c'est la même famille mais qu'ils ont changé la fin pour
qu'on les différencie parce qu'ils ont les cheveux différents. Commme
si une famille de blonds portait le même nom de famille que moi mais
qu'elle changeait une lettre et se transformait en famille Gomart ou
Gobart pour qu'on fasse la différence avec nous. Bref. (j'ai le don de
m'égarer dans des délires ! AAArgh !)
Bref, les Paya étaient une famille de rouquins qu'on en voyait jamais
trainer dans la rue, et il y en avait de 0 à 50 ans, alors que Madame
Payen ressemblait à la chanteuse de la Compagnie Créole, mais en plus
blanche et que ses enfants lavaient le camion au jet tous les dimanches
en tournoyant en vélo cross dernier cri.
Jacques (sorte de José Bové en géant) et Claudine (qui était
maniaquo-maladive) avaient deux enfants, un fils et une fille blonde
frisée à lunettes que tout le monde appelait "Nini Pompon". Va savoir
pourquoi. Nini Pompon, je sais d'après ma soeur qu'elle était cool. Son
frère était plus vieux, la génération 70's 1ère moitié sans doute, donc
je ne peux pas juger. Trop d'écart.
Les chinois, ils bricolaient des voitures, vélos, mobylettes,
skate-board et autres trucs à roues devant chez eux. Et leur nom de
famille était sculpté dans des tuyaux rouges et blancs qui leur
servaient de portail. La casse du logis-verte en quelques sortes. La
maison intruse parmi ces maisons clônes... Mais quand un appareil
ménager ou à roulettes, voire les deux, te lâchait, c'est chez eux que
tu allais sonner (en toquant sur les tuyaux).
Comme dans toutes les séries dont mon enfance a été bercée, il y a toujours la méchante, la peste, la chipie.
La famille Français avait deux filles. Pardon : Une fille et une peste.
La "Nelly Holeson" du Logiver. Ou la "Lavigna" pour les fans de
"Princesse Sarah", ou encore la "Eddie Britt" de "Desperate
Housewives". Avec mon meilleur ami Aurélien, on lui faisait croire que
la maison était en travaux et qu'elle n'avait pas le droit d'y entrer
pour jouer avec nous... Malheur à nous quand elle l'a répété à sa mère
qui a demandé à la mienne : "Il paraît que vous faites des travaux dans
les chambres ?"... Au final, moi qui me suis toujours prise pour Laura
Ingalls, je me demande si ce n'était pas moi la Nelly Holeson, dans
l'histoire.
Il n'y a que Madame Arfaut qui ne s'appelait pas "Les" quelquechose.
Normal, elle était seule. C'était notre voisine du dessus quand on
habitait à l'appartement. Et elle me terrorisait car dès que je
chouinais un peu, maman me disais que madame Arfaut allait taper au
plancher avec son balai pour me faire taire... Mais quand je la
croisais dans la rue avec sa mise en pli blanche, sa blouse à fleurs et
son caddy écossais, je me disais qu'elle aurait été incapable de faire
de mal à une mouche, même avec son balai.
Il y avait tous les autres gens. Les Gouron, Les Gailloudais, les
Perigouard, les Poussant. Eux, ils s'incrustaient pour l'apéro dans le
jardin en pleine semaine après avoir couché les enfants (moi en
l'occurence !) et ils finissaient déguisés, ou en train de danser, la
musique à fond, ou jouant de la guitare en chantant à tue-tête, avec
les restes de frigo de chacun dans de l'alu et un petit coup dans le
nez sans doute, même si j'étais trop jeune pour m'en rendre compte.
Et évidemment, il y avait les Boubou, mais eux, ils étaient
indissociables de nous ! D'ailleurs, on était tellement unis, chez les
uns, les autres, que la rumeur voulait que Maman fricotte avec M.
Boubou pendant que Mme Boubou gardait tous les enfants et que Papa
travaillait. Tout cela parce que Mme Boubou détestait faire les courses
et qu'elle envoyait son mari les faire avec maman ! Trop drôle !
Avec les Boubous, c'est les batailles d'eau dans le jardin, les coquillettes-saucisses (ou saucirou),
la mimolette et le petit pot de glace avec la petite cuillère. Les
"colonnes" de Pepito au goûter avec le sirop de menthe ou de grenadine.
C'est les journées Playmobil ou Barbie. C'est le bac à sable derrière
la maison "qu'on croyait qu'il était qu'à nous". C'est le disney Chanel
du samedi soir avec Stéphane en baby-sitter (le rêve quand tu as 6
ans). C'est les crises de ménage de Nanou : "Vous allez tous dehooooors
!" mais il faut pousser dans les ultra sons pour l'imiter. C'est
Stéphane qu'il faut cacher chez nous parce qu'il a fait un bras
d'honneur (à 5 ans, on comprend pas ce que c'est un "Bradoneur") à des
gitans qui vendaient des brioches et qui veulent lui faire la peau.
C'est les chorégraphies sur Chantal Goya et Karen Cheryl dans ma petite
chambre rouge. C'est la queue de cheval (super tirée), lavage des
dents, crème Nivéa et mouchage de nez (super fort), le midi, par Nanou,
avant de reprendre l'école. C'est les 45 tours à 15 francs achetés à
Champion qu'on s'échangeait et que papa nous copiait sur des cassettes
ausio. C'est les coloriages de "Raconte-moi des histoires" des
après-midi entières (MESSAGE
A MES PARENTS : mais moi, je devais colorier au crayon de couleurs
alors que ma soeur avait droit aux feutres ! Et elle me donnait les
coloriages de histoires les plus moches, comme "les habits du roi".
C'est DEGOUTANT !) . C'est maman qui a ciré les
meubles quand on rentre de l'école et que ça sent l'Ocedar. C'est papa
qui colle la rustine tous les ans sur la piscine bleue marine à 3
boudins. C'est Pascal qui enlève les roulettes de mon vélo bleu
et qui me met une coccinelle dans mon anorak parce que ça va me porter
bonheur. Et ça marche, je roule sans roulettes deux jours après ! C'est
les mamans qui faisaient des réunions Tupperware deux fois par semaine
et qui ne savaient plus quoi commander tellement elles avaient
tout.........
Voilà, pour résumer l'enfance au LOGIVER, comme pour les Tupperware, je dirais : on avait TOUT. Vraiment tout !
Heureusement, on garde ses souvenirs, et on ne s'est pas éloigné des gens qui peuvent les faire revivre, le dimanche avec nous.
;)